Comment surfer sur la vague de la disruption en France
Le secteur des Services est depuis longtemps un élément essentiel de la réussite économique en France. La Fédération Syntec, qui regroupe notamment les acteurs du conseil, de l’ingénierie et du numérique (ESN, conseil en technologie, éditeurs de logiciels), emploie plus de 900 000 personnes en France, et compte environ 80 000 entreprises.
La taille de ces entreprises est très variable, plus des trois quarts ayant moins de 10 employés. Mais la France a également été un vivier de grands groupes qui ont su s'imposer sur la scène mondiale. Selon les derniers classements PAC, Capgemini et Atos figurent ainsi parmi les 15 plus grandes ESN (entreprises de services du numérique) au monde, tandis qu'au niveau EMEA trois des dix plus grands acteurs sont français.
Le secteur a enregistré de très bonnes performances ces dernières années. Selon les estimations de PAC, les ESN françaises ont augmenté leur chiffre d'affaires de près de 8 milliards d'euros au cours de la dernière décennie, et il existe de nombreux cas de fortes croissances dans l'ensemble du secteur. Le cabinet de conseil SIA Partners a, par exemple, connu une croissance annuelle moyenne de plus de 20 % au cours des cinq dernières années, et a vu son chiffre d'affaires dépasser 245 millions d'euros au cours de son dernier exercice fiscal. La société prévoit même de faire passer ses effectifs de 1 800 à plus de 3 000 personnes au cours des trois prochaines années, grâce à une combinaison de croissance organique et d’acquisitions.
Mais sous cette surface se préparent des changements majeurs, provoqués par l'évolution des demandes des clients, des modes de travail des employés et l'impact des évolutions technologiques.
Le secteur des sociétés de services et de conseil est une industrie "humaine". Les employés représentent la majorité des coûts, et la capacité à attirer et à retenir les meilleures ressources est essentielle pour réussir. Malgré la volatilité actuelle du marché, les principales entreprises françaises restent enfermées dans une guerre des compétences, la demande de compétences dans des domaines tels que la cybersécurité, l'intelligence artificielle et le cloud étant plus importante que les compétences disponibles sur le marché. Dans une étude récente du Syntec Numérique, 85 % des ESN en France déclarent ainsi avoir du mal à recruter et à retenir leurs compétences.
En conséquence, les sociétés de services s'efforcent plus que jamais d'attirer et de fidéliser les meilleurs profils. Et c'est un défi majeur alors que la composition de la main-d'oeuvre évolue également. Les employés de la génération Z représenteront bientôt plus d'un quart des effectifs et deviendront une influence clé au niveau des directions générales. Dans le même temps, de nombreuses sociétés de services voient également leurs employés expérimentés prolonger leur vie active, une tendance qui devrait s'accentuer en France avec le relèvement prévu de l'âge de la retraite dans les années à venir. Les entreprises doivent maintenant veiller à fournir un environnement, une formation, des outils et des méthodes de travail suffisamment souples pour répondre à des demandes de plus en plus diverses.
Un aspect essentiel de ce changement pour les entreprises sera de s'assurer qu'elles peuvent offrir à leurs employés des rôles et des modes de travail plus flexibles. Bien que la France n'ait pas adopté le télétravail dans la même mesure que certains autres pays européens, une étude de PAC a révélé que 90 % des ESN en France ont adopté le télétravail pendant la pandémie.
Les business models qui régissent aujourd'hui le marché des services en France n'ont pratiquement pas changé depuis un demi-siècle. Mais certains signes indiquent que de nouveaux modèles, rendus possibles par les plateformes numériques, commencent à remettre en question le modèle traditionnel, basé sur des salariés à temps plein et une tarification au forfait ou en régie. La plateforme Weem a été lancée par d'anciens consultants du BCG, de Peat Marwick et de Kurt Salmon pour mettre en relation des consultants indépendants avec des projets spécifiques de clients. La société basée à Paris compte aujourd'hui plus de 1 000 consultants, sa taille ayant doublé en l'espace d'un an. Plusieurs autres sociétés ayant un modèle similaire ont émergé en France au cours des dernières années, notamment Malt, qui compte plus de 100 000 indépendants sur sa plateforme, et Comet, qui compte plus de 7 000 indépendants dans ses rangs au service de clients tels que Renault Digital, Euler Hermes ou Les Mousquetaires.
Le rythme des évolutions technologiques s'accélère et les sociétés de services doivent s'adapter pour tirer rapidement parti des nouvelles opportunités. Cela signifie qu'elles doivent être capables de mettre en place de nouvelles offres de services ou de produits en quelques semaines, voire quelques jours, quand ce délai se mesurait auparavant en mois. Au lendemain de la pandémie, Capgemini et Orange Business Services ont ainsi fait équipe avec Sanofi et Generali pour créer très rapidement une nouvelle entreprise dans le but d'accélérer le développement de nouvelles solutions de santé numériques.
Les sociétés de services doivent également s'adapter à un paysage de plus en plus concurrentiel.
Sur le marché français des services IT, un tiers des fournisseurs qui figuraient dans le top 50 en 2010 ne figurent plus dans le top 50 de 2020, selon les classements PAC. Amazon Web Services, qui se classe désormais parmi les 20 premiers fournisseurs de services IT français, n'est entré dans le classement qu'en 2017.
La structure du secteur des services en France a considérablement changé et le rythme de la transformation ne fera que s'accélérer dans les années à venir.